L'arbre stérile
Si je plante mon nouvel arbre chez moi, continuait-il, en acquerrai-je donc, hélas ! la possession incontestée ? Mes enfants, en dépit de mes défenses formelles, ou peut-être même à cause de ces défenses, ne se feront-ils pas une maligne joie de prélever une large dîme sur ma future récolte ? Puis, quand bien même le respect de l'autorité paternelle suffirait à les contenir, l'insatiable avidité des valets, maudite et détestable engeance, ne déjouera-t-elle point ma surveillance : quelque active qu'elle puisse être ?"
Ce beau raisonnement décida le paysan à planter son arbre derrière sa grange, dans un endroit inaccessible pour tout le monde, excepté pour lui-même. Mais il n'avait pas réfléchi qu'il mettait le jeune plant à une exposition septentrionale, et qu'il le privait de la bienfaisante influence des rayons du soleil. L'arbre demeura stérile. Comme le paysan s'en plaignait un jour à son frère : "Sache, répliqua celui-ci, qu'en t'abandonnant à ta convoitise avare et soupçonneuse, tu ne recueilleras jamais le fruit de tes calculs étroits et égoïstes."