Pensées d'automne
La pluie froide et tranquille, qui tombe lentement du ciel gris, frappe mes vitres à petits coups comme pour m'appeler : elle ne fait qu'un bruit léger, et pourtant la chute de chaque goutte retentit tristement dans mon coeur. Tandis qu'assis au foyer, les pieds sur les chenets, je sèche à un feu de sarments la boue salubre du chemin et du sillon, la pluie monotone retient ma pensée dans une rêverie mélancolique et je songe. Il faut partir... Je quitte avec peine les bois et les vignes. Je regrette la charmille où je me promenais en lisant des vers, le petit bois qui chantait au moindre vent, le grand chêne dans le pré où paissaient les vaches, les saules creux au bord du ruisseau, le chemin dans les vignes au bout duquel se levait la lune ; je regrette ce maternel manteau de feuillage et de ciel dans lequel on endort si bien tous les maux.
Anatole France