Daniel Van Der Putten
Première journée d'hiver
Un matin, en m'éveillant, je vis que l'hiver était venu. Sa blanche lumière remplissait ma petite chambre ; de gros flocons de neige descendaient du ciel par myriades et tourbillonnaient contre mes vitres. Dehors régnait le silence ; pas même une âme ne courait dans la rue ; tout le monde avait tiré sa porte. Les poules se taisaient, les chiens regardaient du fond de leurs niches, et, dans les buissons voisins, les pauvres verdiers, grelottant sous leurs plumes ébouriffées, jetaient ce cri plaintif de la misère qui ne finit qu'au printemps. Moi, le coude sur l'oreiller, les yeux éblouis, regardant la neige s'amonceler au bord des petites fenêtres, je me figurais tout cela et je revoyais aussi les hivers passés. Je me représentais les glissades sur la rivière, les parties de traîneau, la bataille à coups de pelotes de neige, les éclats de rire, la vitre cassée qui tombe. Et moitié triste, moitié content, je me dis : "C'est l'hiver !".
Erckmann-Chatrian