Par-dessus les Andes
... Nous voici partis. Ce n’est pas le décollage doux, lent, progressif des aviateurs français. L’avion s’arrête, face au vent, fait ronfler l’un après l’autre ses trois «moulins», puis, d’un coup, à «pleins gaz», s’arrache au sol et escalade l’air verticalement. Nos roues tournent encore dans le vide, que déjà nous quittons la capitale. Nous avons à peine le loisir de jeter un dernier coup d’oeil sur Santiago, par temps gris... Nous entrons dans les nuages, défonçons un plafond mou, pour émerger l’instant d’après sur une mer de nuages aveuglante. Sous le ciel entièrement bleu, nous nous trouvons soudain au niveau des Andes dressant dans l’azur leurs contreforts et leurs aiguilles de glace. Sectionnées ainsi en leur milieu par les nuées, elles perdent la moitié de leur taille et redeviennent de simples Alpes.
Paul Morand (Air indien)