Une table bien servie
Est-il rien de plus agréable que de s’asseoir, avec trois ou quatre vieux camarades, devant une table bien servie, dans l’antique salle à manger de ses pères ? Et là, de s’attacher gravement la serviette au menton, de plonger la cuiller dans une bonne soupe aux queues d’écrevisses qui embaume, et de passer les assiettes en disant :
«Goûtez-moi cela, mes amis ; vous m’en donnerez des nouvelles !»
... Et quand vous prenez le grand couteau à manche de corne pour découper des tranches de gigot fondantes, ou la truelle d’argent pour diviser tout du long, avec délicatesse, un magnifique brochet à la gelée, la gueule pleine de persil, avec quel air de recueillement les autres vous regardent.
(Erckmann-Chatrian - L’Ami Fritz)