Une tempête
C'en était fait : nous touchions sur un banc de sable. En ce moment la tempête redouble ; le tonnerre gronde ; l'éclair étincelle et sillonne les nuées livides ; les vagues, courtes et pressées, ressemblent à une meute d'animaux furieux qui harcèlent le navire ; elles jettent sur le pont des masses d'eau et de sable qui s'amoncellent un instant pour être violemment chassées l'instant d'après. De minute en minute, nous sentions, sous un puissant effort, la quille s'enfoncer plus profondément, et les parois craqueter avec un bruit sinistre. Oh ! qu'en pareils moments on fait bon marché des promesses de la fortune, et de quel prix on achèterait un peu de repos et d'espérance ! Aux cris des matelots qui s'appellent entre eux, au grincement des mâts qui chancellent, au sifflement aigu des cordages tendus par le vent, se mêlent nos voix désespérées, qui se désolent et se lamentent.