Une tempête
Depuis huit jours, la mer berçait doucement le vaisseau, qui s'avançait, longeant les côtes, vers le terme si ardemment désiré de notre voyage. Mais, le neuvième jour de la traversée, vers midi, nous vîmes tout à coup le soleil qui s'effaçait peu à peu, et l'azur du ciel, traversé de bandes verdâtres, qui se chargeait d'une sorte de lumière louche et troublée. Des sillons de couleur de plomb s'allongeaient sans fin dans une mer pesante et morte : des goélands, présageant la tempête, rasaient le pont du navire de leurs larges ailes, et par moments plongeaient sous la vague. Le capitaine songea un instant à gagner la rive, jugeant, pas l'aspect des côtes, que nous y pourrions trouver quelque port. Nous changeâmes donc de route, et le vaisseau, prêtant le flanc à la brise, de plus en plus forte, commença à se balancer lentement de l'avant à l'arrière, s'enfonçant, à chaque fois, plus profondément entre les lames épaisses. Nous ne tardâmes pas à voir que l'orage nous devançait, et un nouvel ordre du capitaine nous annonça bientôt qu'il fallait reprendre la haute mer.