Le moulin de Maître Cornille
Chose singulière ! La chambre de la meule était vide... Pas un sac, pas un grain de blé ; pas la moindre farine aux murs ni sur les toiles d'araignées... On ne sentait pas même cette bonne odeur chaude de froment écrasé qui embaume dans les moulins...
La pièce du bas avait le même air de misère et d'abandon : un mauvais lit, quelques guenilles, un morceau de pain sur une marche d'escalier, et puis dans un coin trois ou quatre sacs crevés d'où coulaient des gravats et de la terre blanche.
C'était là le secret de Maître Cornille ! C'était ce plâtre qu'il promenait le soir par les routes pour sauver l'honneur du moulin et faire croire qu'on y faisait de la farine.
Alphonse Daudet
Le secret de Maître Cornille
Francet Mamï, un vieux joueur de fifre, qui vient de temps en temps faire la veillée chez moi, en buvant du vin cuit, m'a raconté l'autre soir un petit drame de village dont mon moulin a été témoin il y a quelque vingt ans. Le récit du bonhomme m'a touché, et je vais essayer de vous le redire tel que je l'ai entendu. |