Le laboureur et ses enfants
Un vieux et honnête laboureur, sentant sa mort prochaine, réunit ses fils autour de son lit, et leur tint, à peu près, ce discours :
« Mes enfants, je sens que mes forces m’abandonnent ; je veux, avant ma fin, vous donner un sage avis : Gardez-vous de vendre jamais le champ que je vous laisse : un trésor y est caché. Quand vous aurez fait la moisson, tournez et retournez le terrain ; défrichez même le petit bois, qui est au bout de notre pièce de luzerne. Assurément vous trouverez un sac de Louis que je sais être enfoui dans l’enclos ».
Ils firent ce que leur père avait dit ; la pioche et la bêche eurent une rude besogne, et il ne ménageaient pas leur bras. Ils ne trouvèrent pas le plus petit écu ; mais, sur le sol remué et travaillé chaque jour, il vint le plus beau blé, le plus beau seigle, la plus belle avoine du monde, et le marché du canton leur rendit en bonne monnaie le prix de leurs peines. Ils comprirent alors toute la valeur des derniers conseils du vieillard, et chaque fois qu’ils allèrent ensuite s’agenouiller devant l’humble croix plantée sur sa tombe, le souvenir de ce qu’il lui devaient leur faisait verser des larmes.